Auteur d'un ouvrage de référence sur le cinéma amateur: «Le film de famille : usage privé, usage public», Roger Odin dirige l’Institut de Recherche en Cinéma et Audiovisuel, (IRCAV). Professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université de Paris III Sorbonne Nouvelle, il travaille à l’élaboration de l’approche sémio-pragmatique. Il s'intéresse donc en tant que théoricien, à la production du sens et aux modes de lecture du cinéma par le spectateur. il a animé un réseau de recherche européen sur le cinéma documentaire et dirige une équipe de recherche sur les productions amateurs. Cet interview vidéo de Roger Odin sur le film de famille a été réalisé le 11 mai 2004 par Claude Bossion, directeur de Cinémémoire. Chaque séquence pose une question, dont nous avons retranscrit le texte sous chaque séquence: |
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Film de famille et Roger Odin? Comme tout le monde, j'ai fait du film de famille, comme tout le monde en fait. Je suis théoricien du cinéma, donc j'ai lu beaucoup de choses sur le cinéma, et je me suis aperçu que tout le monde fait du film de famille, mais il n'y avait pratiquement aucun travaux sur le film de famille, et c'est quand même paradoxal: en métrage, il se produit sans doute plus de films et de vidéo de famille qu'il se produit de films et de vidéo professionnels en un an. Personne ne s'intéressait à ce type de production. Comme je suis sémiologue, et que je suis un peu la leçon de Barthes pour qui la sémiologie c'est démasquer l' évidence pour essayer de faire apparaître derrière elle les codes qui la fonde. c'est d'ailleurs un projet idéologique, d'une certaine façon, je me suis dit qu'il fallait travailler sur ces films là. Parce que si on ne s' occupe pas d'eux, eux s' occupent de nous, d'une certaine façon. Ils modèlent la société, ils régissent nos comportements, donc il faut travailler sur ces films là. Et puis quand on commence à travailler sur ces films, on s'aperçoit que c'est extrêmement riche, que c'est extrêmement compliqué, qu'il y a une foule de problèmes qui se posent. donc c'est pour cela que j'ai décidé de créer un groupe de recherche là dessus, et on se rend compte que ça passionne les étudiants, qu'on trouve plein de choses, enfin que ça marche bien, justement à cause de la richesse de ces productions. je pense que les productions les plus banales sont souvent les productions qui posent le plus de problèmes, justement parce qu'on finit par ne plus les voir; le film de famille, ça devient une banalité totale, mais ça ne veut pas dire qu'il ne joue pas un rôle dans la société. C'est la définition même de l'idéologie d'ailleurs, la transparence, comme ça, des choses que l'on ne remarque pas et qui nous régissent. Il n'y a pas que les films de famille: je viens de faire passer une habilitation à diriger des recherches, avec d'autres collègues, sur les logos et les designs. C'est pareil: il y en a partout, il y en a je pense, beaucoup dans l'université, ça règle nos comportements, personne ne travaille là dessus. je pense que c'est un peu la même chose pour les films de famille: des films qui jouent un rôle très fort dans la société, d'autant plus qu'ils sont vus par les jeunes enfants, très tôt, dans la famille, et que ça les influence sans m^me qu'ils ne s'en rendent compte, et ça les influence à long terme, ça peut même les traumatiser à long terme. donc on a découvert beaucoup de choses de ce type là, ceux qui font des films de famille ne savent pas toujours ce qu'ils font, non plus. Des gens qui filment par exemple la naissance de leur gamin, et puis qui après vont le montrer au gamin ne se rendent pas compte des effets que ça peut produire à long terme, c'est complètement destructurant, et complètement traumatisant. Ce sont des films qui au niveau psychologique, au niveau individuel, mais également au niveau social et politique, il y a de réels enjeux à travailler sur ces films là, et c'est pour cela que ça m'intéresse, tout simplement. |
Quelques publications et articles de Roger Odin sur le cinéma amateur: « Le cinéma en amateur » Communications, n° 68, Seuil, 1999 «Le film de famille : usage privé, usage public», Paris, Éditions Méridiens Klincksieck, 1995 « Médianalyse : éloge du film de famille [dossier] », in Médiascope, n° 6, « Le film de famille », décembre 1993, p. 14 à 19 « Archives et cinéma amateur. Une étude de cas : la cinémathèque de Saint-Etienne », in Kristian Feigelson (dir.), Mehmet Ozturk (dir.), Villes et cinéma : lieux, mémoires et désirs, Istanbul, éditions Kabalci, 2007 « Rhétorique du film de famille », in Revue d'Esthétique, n° 1-2, « Rhétoriques, sémiotiques », U. G. E., 10/18, 1979, p. 340 à 373 « Productions cinématographiques familiales et limites de la représentation », in Leonardo Quaresima (dir.), Alessandra Raengo (dir.), Laura Vichi (dir.), I limiti della rappresentazione. The bounds of Representation. Censorship, the Visible, Modes of Representation in film, Udine, Forum, 2000, p. 127 à 140 |
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