Les yeux du coeur

Titre : Les yeux du cœur
Fonds : Service de coordination culturelle de la mairie de Port de Bouc
Déposant : Mr Graffeo Pierre
Réalisation : Jacques Inrep
Production : Clivage / fonds d'intervention culturel et office culturel Elsa Triolet
Format : Super 8, couleur, sonore
Date : 1975-1978 ?
Durée : 37 min 04 sec
Genre : documentaire Notice n° : 200-001

Résumé

Une dizaine d'années après la fermeture des chantiers, de quoi se souviennent les habitants de la ville de Port-de-Bouc et de la région? Le film s’organise en plusieurs chapitres et revient sur les souvenirs des Port de Boucains, sur leur vision des luttes ouvrières et sur leur constat du présent. il est uniquement constitué de témoignages et les anecdotes vont bon train.

Transcription

Chapitre 1 : Les souvenirs

Témoignages d'anciens ouvriers sur l'histoire des chantiers et de la ville de Port-de-Bouc qui s'est construite sur la main d'œuvre venue de l'étranger. Les ouvriers parlent avec nostalgie de la vie en communauté en dehors des heures de travail et évoquent également la pénibilité du travail et l'évolution des matériaux utilisés depuis les années 30.

« Toute ma famille a travaillé aux chantiers. On était 5 frères, on a travaillé tous les 5 aux chantiers. Mon fils y a fait le métier de chaudronnier comme moi. »

« C'est les gens de Port de Bouc. Port de bouc est né des Espagnols, des Grecs, des Sardes des Italiens et même les Provençaux sont arrivés les derniers. Mon père est venu en 1920, en Grèce il y avait des grandes affiches publicitaires pour venir travailler en France. Il avait le choix entre la Belgique, la France, les Etats-Unis ou l'Australie »

« A l'intérieur des chantiers on sortait, on faisait des concours de boules, de belote qui suivaient, tous les soirs on faisait une partie et le lendemain on recommençait ca finissait le samedi autour de la bouteille de pastis. Et le dimanche c'était la pêche. C'était poissonneux Port de Bouc. On se regroupait dans la même corporation, toujours les mêmes copains. »

« Les femmes avaient toutes un point commun, elles ignoraient le français. Elles apprenaient mot par mot quand le père rentrait. Au début, y avait que les maris qui allaient faire le marché, les femmes elles osaient pas faire les courses. Mais quand ils faisaient des heures sup', les femmes étaient obligées petit à petit de sortir pour le pain, toutes les commissions. Quelques-unes ont appris à lire en lisant le journal. C'est ma mère qui me faisait répéter la lecture alors qu'elle savait à peine. J'ai réalisé ca beaucoup plus tard. »

Connaître ses racines pour mieux lutter

Micro trottoir sur le marché :le chantier naval, vous connaissez ?

« Chantier naval, qu'est-ce que c'est ? Je connais pas. Nous on est pas originaires de Port de Bouc alors … »

« J’en ai entendu parler, ça m'a marqué, ils construisaient des bateaux et ils ont eu des problèmes. Mais ça a fait un vide quand ça a fermé, je m'en rappelle. »

Chapitre 2 : La lutte était le ciment de cette communauté

Histoire des luttes ouvrières et de l'organisation syndicale. Évocation de la grève de novembre 1938, et de celle de 1949, de la bagarre pour la survie des chantiers lors de la parution du "livre blanc"* en 1960.

« La première fois que j'ai entendu parler de fermeture des chantiers, c'était quand la France est rentrée dans le marché commun. Mais en fait, on a pas senti le contrecoup de suite. La fermeture, certaines personnes disaient que c'était pour une raison politique, notamment les grèves, parce que c'était une usine d'avant garde au point de vue luttes sociales.

« On a mené des luttes surtout contre la guerre d'Algérie. J'étais trop jeune, je pouvais pas me faire élire au syndicat, mais je m'occupais des jeunes, on revendiquait, c'était une première nationale. On faisait grève le jeudi, parce que parfois les filles n'avaient pas cours le jeudi. Puis j'ai été envoyé deux ans en Algérie et quand je suis rentré, les chantiers m'ont repris. Là, j'ai été élu au syndicat, j'ai suivi des stages pour me former syndicalement. Entre temps, le livre blanc est sorti. Alors là, c'était le temps des bagarres pour la survie des chantiers. Des marches sur Marseille, diverses manifestations … »

« À la fin, je pouvais pas y croire, quand le Provence est parti. J'allais encore à toutes les réunions, les manifestations. Et puis il est parti quand même, contre vents et marées, on a rien pu faire. C'était foutu. »

Chapitre 3 : Et maintenant?

Le documentaire constate à l'époque en conclusion que les chantiers étaient tombés dans l'oubli...

« Ici les gens de l'âge de mes parents, ils se connaissent tous. Moi je connais les rues, les quartiers mais pas les gens. Maintenant c'est presque des étrangers dans la ville. »

« On a un passé commun. Tout a une importance, les écoles, les bâtiments qu'on casse. Et on aime bien échanger avec des gens qui ont vécu ça. Mais tout en étant au milieu des autres, on se sent isolé. »

« Toutes les boîtes sont parties ailleurs. Y a plus rien ici. A Fos, les conditions de travail sont épouvantables. Aux chantiers, on avait des douches, une cantine, des bleus de travail. Par rapport aux chantiers à l'époque, c'est abominable. Et la poussière n'en parlons pas. »

« Je suis retourné sur les lieux. Ça m'a fait le même effet que quand j'ai traversé le Parthénon. Les lancements, quand on les regarde avec les yeux du cœur, c'était émouvant. Y avait la marraine, le champagne, ça faisait un peu bourgeois mais tout le monde était là. Maintenant, c'est fini. On va pas pleurer hein, mais l'âme de Port de Bouc n'est plus là. »

Analyse

Le film est constitué principalement d'interviews et de plans d'ensemble. Les cartons qui le ponctuent sont amateurs. Malgré la détérioration de la bande sonore, on apprend beaucoup de choses des témoignages des anciens ouvriers et leur mémoire encore vive s'exprime sans détour à la caméra. Y sont abordés des sujets peu commun dans l'histoire des chantiers : un aperçu de la vie des femmes par exemple, une évocation de la guerre d'Algérie vécue aux Chantiers, un constat du désœuvrement actuel et des conditions de travail aux nouveaux ateliers de Fos.

Fiche pédagogique

Questions :

Quels étaient les loisirs des ouvriers ?

Quel est le constat des anciens sur la ville de Port de Bouc aujourd'hui ?

Expliquez la comparaison entre les chantiers fermés et le Parthénon.

D’où vient le titre du film ?

Vocabulaire:

Livre blanc : il s'agit du Livre blanc de la construction navale, paru en décembre 1959, qui modifiait les critères d'attribution des aides étatiques et qui annonçait donc le déclin et la fin des Chantiers.

Marché commun : il s’agit de l’union économique européenne, obéissant à une logique capitaliste. Les biens, les services, les capitaux et les personnes y circulent librement (on parle des 4 libertés).le marché commun européen est le plus grand du monde.

Rebonds

Les films d'Alain et Jimmy Glasberg: "Le trou de mémoire" et "La mémoire de la porte de bois" sur la mémoire des Chantiers.

Nous construisions des bateaux et On les appelait les Sauvages, deux films à l’initiative de la Mairie de Port de Bouc.

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