Nous construisons des bateaux

Titre :Nous construisons des bateaux
Fonds : Médiathèque Boris Vian Port de Bouc
Déposant :
Réalisation : Didier Bonnel
Production :Recueil de la mémoire populaire du chantier naval de Port-de-Bouc
Format : U-matic, couleur, sonore
Date :années 80
Durée : 31 sec
Genre : documentaire
Notice n° : 144-001

Résumé

Le 24 janvier (1980?), les anciens des Chantiers et Ateliers de Provence se retrouvent, se rassemblent par corporation; ils parlent du chantier, du travail, des bateaux, de l'équipe, de tout ce qui faisait la vie quotidienne.

Transcription

Conférencier :

« 1980, c'est l'année du patrimoine. Les chercheurs se penchent sur les sociétés paysannes, sur les vestiges de la révolution industrielle, mais en parallèle, on continue à détruire et peu d'historiens ou de sociologues se penchent sur le mouvement ouvrier.

« D'ici quelque temps, il n'y aura plus aucune trace de l'histoire ouvrière dans l'espace, les documents et les témoignages se perdent »

Processus du recueil de témoignage : chercheurs universitaires et 'anciens ouvriers réunis par corporation se trouvent autour d'une même table ; un dictaphone est disposé au centre de la table.

20 ans aux Chantiers (03:45)

« On vivait au rythme du bruit des chantiers, de la sirène le matin, à 13h et le soir, au bruit des pistolets des riveurs, des masses des façonneurs ...

Déjà au lendemain de la guerre le chantier était détruit. Mais dans l'hiver 44-45, on l'a reconstruit, ce qui a permis le lancement du Ville d'Alger en 45.

Mais en 1960, avec le livre blanc ... port de bouc n'intéressait pas Terrin. Pourtant, c'était une classe ouvrière en or, les travailleurs des chantiers étaient à 90% Cégétistes. Quand il fallait revendiquer, ils répondaient comme un seul homme, que ce soit contre le fascisme, pour la paix, pour les libertés ou pour les conditions de travail. Les chantiers sont le symbole d'une classe ouvrière en lutte. »

Depuis 7 ans à Port de Bouc (10:45)

« Pour moi Port de Bouc c'est tout autre chose que les Chantiers. Mais ce recueil populaire de toute cette expérience du passé doit nous servir pour l'avenir. Avant, la vie ouvrière était aussi familiale. Aujourd'hui c'est différent, autour de la zone industrielle déserte de Fos, on a mis des villes dortoirs. Dès lors, comment développer l'identité culturelle et participative des Chantiers dans ce contexte ? Il faut redonner le droit total à la culture aux travailleurs. C'est tout l'intérêt de ces Mémoires en souvenir de demain. »

Des soudeurs :

« Ils nous ont fait périr. La vérité, c'est que comme on était politisés, il fallait nous détruire. Comme partout où le peuple prend conscience de ses droits, même s'il fait du bon travail, il faut le détruire, comme partout, comme à Arles ... »

On construit le bateau (19:09)

« C'est difficile de discuter comme on fait là par corporations, parce que c'était un tout. Tout l'ensemble travaille. »

« C'est vrai, y avait plus de travail à l'arrière qu'à l'avant ! »

« Mais non, y avait pas de guerre entre les deux, ça se montait simultanément ! »

Ainsi viendra l'heure du lancement (26:58)

« On avait la chair de poule, y avait de l'émotion, on était fiers. Tout le monde était content d'un seul travail, même si y avait pas de prime au bout. »

Du cœur à revendre (28:32)

« Et pendant ce temps le chantier mené à l'abattoir gémit de toutes ses nervures torturées. Il pleure les bateaux dont il a accouché. N'avez-vous jamais entendu une usine qui pleure ?

Il n'y a pas que le vent pour faire grincer les machines édentées, il n'y a pas que le vent pour faire craquer chaque os du squelette rouillé. Des mouettes pensives volent derrière la haute finance et scrutent d'un œil rond les miettes métalliques du festin.

Sur les terrains vagues, salles des bras perdus, la tôle a du vague à l'âme, elle vibre encore de l'agonie de la veille.

Prenez le coquillage d'un boulon, portez le à l'oreille alors vous entendrez la chanson de l'ouvrage, la chanson qui se meurt, la chanson qui cherche vos bouches, nom d'un patron ! Mais dis-moi toi qui est né dans ce berceau mis aujourd'hui à la décharge, toi l'ancien de la forge, toi le fils du soudeur, toi, toi, vous, vous tous ajusteurs, traceurs, riveurs, métallos vous tous descendants directs ou par alliance de la dynastie des bâtisseurs de navires ! Allez-vous laissez couper les branches de l'arbre, de l'arbre généalogique planté tout droit dans vos luttes ? Chaque feuille a son pesant d'histoire à faire lire à vos enfants. Le dernier bateau est parti. Dans le sillage du Provence, oui, du Provence, il y a une écume d'où peut jaillir votre combat pour le présent. »Paul Fructus.

Analyse

S'interroger sur le travail de mémoire

Présenté sous la forme d'une conférence, la première partie du film se concentre sur les témoignages de deux personnes, entrecoupés de photographies d'archives et d'images documentaires illustrant le propos. Le premier intervenant, un ancien responsable syndical des Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) répond à l'inquiétude devant le peu de travaux universitaires sur l'histoire des chantiers. Naturellement, la forme donnée au film est sobre et distanciée. Le cinéaste alterne deux échelles de plans sans jamais couper le témoignage. Ensuite, le second intervenant revient sur les notions de mémoire et d'identités, problématiques posées après la fin des chantiers à Port-de-Bouc.

Corporation ou Corporations ?

La seconde partie est une table d'échanges d'anciens ouvriers discutant sur les étapes de la construction d'un bateau et les différentes corporations impliquées dans l'ouvrage. D'un panoramique initial à 360°, le cinéaste se focalise ensuite sur la succession des intervenants au micro. Le spectateur assiste à l'expression passionnante du savoir faire passé par des anciens ouvriers qui n'ont rien oublié des chantiers. L'idée qui émerge alors est que ces ouvriers sont profondément unis par leur technicité malgré les différentes corporations. Comme le dit un ouvrier : « à la fin c'était un tout, c'était un ensemble ».

Rebonds

Les films d'Alain et Jimmy Glasberg: "Le trou de mémoire" et "La mémoire de la porte de bois" sur la mémoire des Chantiers.
On les appelait les Sauvages, film à l’initiative de la Mairie de Port de Bouc.
Article de Jean Doménichino dans "Le Mouvement Social": http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5620665d.image.f52.tableDesMatieres
Article sur les différents métiers de la navale: Etre ouvrier à la Navale à Marseille – Jean Louis Tornatore Terrain n°16 Mars 1991: http://terrain.revues.org/3000

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